Page:Block - Dictionnaire général de la politique, tome 2.djvu/90

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tension de droits, le gouvernement représentatif remonte donc haut dans l’histoire. Montesquieu le faisait naître dans les forêts de la Germanie, au milieu des mœurs libres et fortes des Bartares. Si cette conjecture est un peu hypothétique, il est du moins vrai de dire, en un certain sens, que la liberté est ancienne. Dans les annales de tous les peuples, on retrouve des tentatives plus on moins vigoureuses, plus ou moins couronnées de succès, mais à peu près permanentes, et tendant à conquérir des franchises, à lesgarantir par des institutions légales. Ce n’était point, sans doute, en vertu d’une théorie qu’on agissait, comme ]e remarque IL Guizot ; on ne se rendait compte ni des principes ni de la natnre du gouvernement représentatif. Rien de moins systématique que cette lente et confuse élaboration des sociétés européennes. On marchait dans cette voie sans le savoir, par une sorte d’instinct, parce que là était la satisfaction des besoins et des vœux de la société. C’était là cependant la tendance évidente de la civilisation, et d’autant plus énergique qu’elle n’avait rien de calculé, qu’elle était un fait tout spontané. Le parlement d’Angleterre, les cortès d’Espagne, les états généraux de France, qu’étaient-ils autre chose qne des formes diverses du gouvernement représentatif, réalisant dans la mesure propre à chaque génie national l’idée de la participation du pays à ses propres affaires, plaçant certains droits chèrement acquis souvent sous la sauvegarde d’institutions inviolables ? Ces assemblées et d’autres dans différents pays étaient la mise en action dn principe de la délibération en commun qui est l’âme même du gouvernement représentatif

C’est dans ce sens, on peut le dire, que le mouvement des sociétés européennes s’accomplit jusqu’à une certaine heure de l’histoire. A un moment donné, an seizième siècle, une grande .scission morale s’opère ; une crise politique décisive éclate partout. L’Angleterre seule poursuit sa carrière, non sans commotions et sans épreuves,mais sans dévier d’une façon radicale et déunitive, en s’affermissant, au contraire, dans son attachement pour les institutions libres. Dans les autres pays du continent, les formes représentatives disparaissent ; les droits des assemblées tombent en désuétude tout signe de liberté s’efface dans les lois comme dans ~s mœurs. L’absolutisme seul reste debout et absorbe tout pendant près de deux siècles, jusqu’à ce que de l’excès de la corruption inoculée par na despotisme qui s’avilit lui-même naisse ~tae révolution plus grande, plus générale que tontes les précédentes, où l’idée dn gouvernement représentatif réparait comme la jji désormais nécessaire d’une société (ransfojTnée. C’est donc la révolution française jui ouvre cette ère de renaissance pour les principes de liberté politique et de régime représentatif. Les tetohttions d’Angleterre avaient eu un caractère plus local, plus national ; leurs effets ne s’étaient point étendus an delà de la sphère anghise. La révolution française a en surtout le caractère d’nn événement général, européen. A dater de ce moment, tontes les idées se tonr.nent vers la liberté. Les résistances mêmes qu’on oppose ne font que hâter les progrès des peuples vers les régimes nouveaux. Les guerres qui agitent le continent ne font que répandre les idées. L’absolutisme peut se défendre, renattre là où il a été vaincu une fois, lutter contre le mouvement des choses ; il n’est pins qu’une vétusté ; il est désormais visiblement impuissant à gouverner les sociétés qui sentent le besoin d’institutions plus larges, de garanties, et c’est ainsi qu’en un demi-siècle le principe de la liberté politique a gagné tontes les contrées européennes, l’Espagne, le Portugal, Iltalie, la Prusse, l’Autriche, le Danemark, la Suède, comme la France.

Ainsi se poursuit le mouvement de transformation qui, à un certain point de vue, ne fait que renouer la chaine des efforts tentés autrefois par les peuples pour conquérir des institutions protectrices, mais qui, sous d’autres rapports, a un caractère essentiellement et entièrement nouveau. La liberté est ancienne,

disais-je ; les fonnesreprésentatives ont été plus d’une fois essayées ou entrevues comme un idéal. Il ne faut point s’y méprendre cependant entre la liberté, les institutions représentatives, telles qu’on les concevait autrefois, et ce qui porte ce nom aujourd’hui, il y a une notable différence. La société tout entière a marché. La conception même de la liberté est devenue plus générale, plus philosophique ; l’idée de la représentation s’est étendue ; elle s’est compliquée d’ailleurs de l’idée d’égalité. Les institutions, à l’abri desquelles les sociétés aspirent à se placer, ont à tenir compte d’une n :ult ;t"de d’éléments et d’intérêts qui existaient à peine dans le passé on qu’on comprenait autrement. Autrefois, la délibération en commun ne dépassait pas le plus souvent la faculté de remontrance. Le droit de voter les subsides, si loin qu’il fût poussé, n’impliquait pas absolument l’examen de toutes les affaires du pays et une participation efficace à la direction politique. Les libertés s’acquéraient la plupart dn temps à titre de privilèges accordés à une ville, à nne municipalité, à une classe, à une corporation. Il y avait une foule de droits locaux ou spéciaux, une multitude de libertés de fait, sans qu’il y eût un ensemble politique organisant véritablement la représentation, découlant d’un droit supérieur inhérent au pays. Aujourd’hui, les conditions d’un gouvernement libre se sont étendues et précisées à la fois, et les institutions représentatives ont pris un caractère saisissable, de même qu’elles impliquent des nécessités qu’on peut considérer comme essentielles, comme définitives. Il devient désormais facile de se rendre compte des vraies conditions du gouvernement représentatif. Ainsi, il est bien évident que la première de ces conditions est le droit de tous les citoyens, sans distinction de classes, à participer à la formation des assemblées. H est bien clair que pour ces assemblées, une fois librement élues, le premier des dr~est celui