Page:Bloy - Belluaires et porchers, 1905.djvu/156

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eux. Je demande seulement la permission d’exprimer cela dans une autre prose.

Il me plaît de supposer que cette Légende fut entreprise en une heure de désespoir.

Le malheureux Flaubert touchait à sa fin et, sur le point de mourir, il devait obscurément s’apercevoir qu’il n’avait jamais été un vivant.

À l’exception du premier roman qu’on croit être un souvenir de jeunesse, les livres somnambules qu’il avait écrits ne pouvaient assurément pas donner à son cœur de célibataire l’illusion d’une progéniture.

Probablement il sentait lui-même l’effrayante vacuité de tous les fantoches engendrés du désolant écrivain condamné par sa nature à ne penser que des syllabes.

Sa triste âme captive dans une imagination cloisonnée, regardait sans doute, mornement défiler, dans un silence d’éther, les personnages inanimés de ses léthargiques poèmes.

C’est alors, — je le conjecture, — que ce volontaire prodigieux se dressant, un suprême jour, sur le catafalque de ses pensées et souffletant la mort avec la mort, conçut l’espérance de redevenir un enfant.

La fierté de l’artiste égorgea l’orgueil de l’athée, le contempteur descendit de son Himalaya et s’en vint très-humblement dans une pauvre