Page:Bloy - Belluaires et porchers, 1905.djvu/183

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misère. L’Œil du Maître divin, qui compte exactement « les jougs et les colliers » dans les étables de ses troupeaux, est seul capable, sans doute, de discerner rigoureusement l’équité d’une lamentation de sa créature, si déraisonnable qu’elle puisse paraître aux clairvoyants farceurs qui rompent à la multitude le pain savoureux de leurs jugements.

De quelque ridicule qu’on se soit plu à l’accabler, Ernest Hello fut, au moins, cette merveilleuse rareté qu’on appelle une âme, et, certes, l’une des plus vivantes, vibrantes et intensément passionnées qui se soient rencontrées sur notre planète. Il fut, en même temps, un écrivain d’un art étrange et mystérieux. Mais, pour comprendre cet art et pour en jouir, il faut un sens esthétique assez indépendant pour se supposer chrétien dès l’instant qu’on ouvre ses livres. Difficile effort, j’en conviens, pour des intelligences aussi jetées que les nôtres aux murènes affamées du rationalisme.

Ce catholique a précisément, au suprême degré, ce qui horripile, plus que tout, les toléranciers du monde : je veux dire la haine de l’erreur. Voici, d’ailleurs, la façon peu tolérable dont il s’exprime :

« Quiconque aime la vérité déteste l’erreur. Ceci est aussi près de la naïveté que du paradoxe. Mais cette détestation de l’erreur est la pierre de touche à laquelle se reconnaît l’amour de la vérité. Si vous n’aimez pas la vérité, vous