Page:Bloy - Belluaires et porchers, 1905.djvu/224

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Par instants je suis le pauvre navire
Qui court démâté parmi la tempête,
Et, ne voyant pas Notre-Dame luire,
Pour l’engouffrement en priant s’apprête.

Par instants je meurs la mort du pécheur
Qui se sait damné s’il n’est confessé,
Et, perdant l’espoir de nul confesseur,
Se tord dans l’enfer qu’il a devancé.

Oh mais ! par instants, j’ai l’extase rouge
Du premier chrétien, sous la dent rapace,
Qui rit à Jésus témoin, sans que bouge
Un poil de sa chair, un nerf de sa face !

Il lui reste cela, en effet, « Jésus témoin » et la Mère de Jésus qu’il a chantée comme elle ne l’avait pas été depuis le Stabat ou le Quot undis lacrymarum

Quand cette « balayure du monde » verra les Yeux de l’Unique Juge, la Sagesse éternelle qu’elle a glorifiée pourra lui dire devant ses accusateurs fumants d’effroi : — J’ai eu faim et tu M’as donné à manger, J’ai eu soif et tu M’as donné à boire, J’étais étranger et tu M’as donné l’hospitalité…

Et la Tour d’Ivoire sanglotera de pitié en présence de tous les Cieux !


Vaugirard, 1888.