Page:Bloy - Belluaires et porchers, 1905.djvu/234

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J’entrevis alors la profondeur de cette misère. Je compris que cette indigence de la volonté, la plus parfaite sans doute qu’on pût voir et qui était à faire sangloter de compassion, devait être le chef-d’œuvre de beaucoup d’années de patience. Le malheureux homme avait été littéralement émietté.

L’extrême susceptibilité nerveuse dont il souffrit dès son enfance l’avait désigné comme une proie vraiment trop facile à la sollicitude implacable de la Minerve qu’il épousa.

Une chrétienne eût entrepris de guérir cette volonté malade et se fût elle-même si complétement effacée que le biographe le plus attentif l’aurait à peine aperçue. Madame Hello fit exactement le contraire.

Despotiquement, elle infligea son ordre et son équilibre de bourgeoise à ce Benjamin de l’Extase qui crut, dans sa simplicité d’innocent, avoir besoin de l’un et de l’autre, et lui prit son âme en échange.

L’âme d’Hello ! la plus grandiose et la plus dénuée des âmes qui furent. À la distance de plusieurs années, le souvenir m’en revient tel qu’un cauchemar. J’ai cru la voir, cette âme de tribulation et de désir, impitoyablement, continuellement refoulée dans un couloir ténébreux et de plus en plus étroit où elle se serait tordue, contractée, crispée, ratatinée comme une feuille, avec d’infinies angoisses.

Ah ! ce n’était pas un homme qu’il fallait à ma-