Page:Bloy - Belluaires et porchers, 1905.djvu/29

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Il lui suffit d’apparaître, à cette Sémiramis, pour être adorée comme jamais monarque ne le fut et pour remuer d’une force infinie la lie des cœurs. Les simples gueux et les archigueux, les bourgeois et leurs têtards, les bestiaux de l’opulence attablés au foin de leurs bottes, toute haute et basse crapule grouille extatiquement aux pieds du Cynocéphale d’argent dont le suffrage du siècle a divulgué les Saints Évangiles !

Dix ans encore de ce régime et je défie qu’on découvre en France un seul être innocent et noble, un seul cœur humain, une unique palpitation généreuse pour quoi que ce soit, fût-ce pour la couillonnade politique par laquelle notre société moderne fut engendrée !

VI

Mon Dieu ! l’Art est une chose vitale et sainte, pourtant !

Dans l’effroyable translation « de l’uterus au sépulcre » qu’on est convenu d’appeler cette vie, comblée de misères, de deuils, de mensonges, de déceptions, de trahisons, de puanteurs et de catastrophes ; en ce désert, à la fois torride et glacé, du monde, où l’œil du mercenaire affamé n’aperçoit, pour fortifier son courage, qu’une multitude de croix où pendent, agonisants, non plus les lions de Carthage, mais des ânes et de dérisoires pourceaux crucifiés ; dans ce recul