Page:Bloy - Belluaires et porchers, 1905.djvu/30

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éternel de toute justice, de tout accomplissement des réalités divines ; attiré par l’humus originaire dont ses organes furent pétris ; convoité, comme un aliment précieux, par toutes les germinations souterraines ; sous le planement des aigles du charnier et des corbeaux de la poésie funèbre, et sentant, avec une angoisse sans mesure, ses genoux plier à chaque effort ; — que voulez-vous que devienne un malheureux être humain sans cette lueur, sans cet arome subodoré des Jubilations futures ?

Tout nous manque indiciblement. Nous crevons de la nostalgie de l’Être. L’Église qui devrait allaiter en nous le pressentiment de l’Infini, agonise depuis trois cents ans qu’on lui a tranché ses mamelles. L’extradition de l’homme par la brute est exercée jusque dans les cieux. Il ne reste plus que la louve de l’Art qui pourrait nous réconforter, si on ne lapidait pas les derniers téméraires qui vont encore se ravitailler à ses tétines d’airain.

On aura beau dévaliser les âmes et détronquer l’homme ; après tout, il resterait à décréter son abolition, pour que disparussent tous les ferments de l’incompressible Idéal qu’il porte en lui et que la plus sacrilège éducation n’élimine pas. Aucun degré d’avilissement ne peut être calculé pour prévaloir contre la nature.

Aussi longtemps que subsistera la race douloureuse des enfants d’Adam, il y aura des hommes affamés de Beau et d’Infini, comme on est