Page:Bloy - Belluaires et porchers, 1905.djvu/294

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Ce qui tombe, alors, c’est la pluie des lys, des grands lys pâles, éclatants et silencieux, de l’adoration la plus pure. La suavité de cet instant n’est pas exprimable. Un effluve de réconciliation et d’amour qu’on croirait eucharistique, émane positivement de ces bestiaux en carton, charitables et rudimentaires, qui dialoguent saintement par la voix émue des invisibles récitateurs.

Mais ce qui me touche plus profondément encore, c’est de penser que l’auteur et les interprètes ont eux-mêmes subi, nécessairement, le despotisme d’ingénuité que dégage leur évangélique fabulation.

Car de tels effets ne sont pas possibles à des coryphées ordinaires. Il n’est pas dans le cœur humain de vibrer à ces profondeurs, suivant le caprice des inconstants chatouilleurs de pieds dont nous gratifia le dilettantisme.

Que des infidèles notoires, tels que Jean Richepin, aient été séduits par ce rêve de restaurer un art d’autrefois, dont l’adolescence éternelle pût être opposée au crétinisme perclus du théâtre contemporain, et qu’une levée de poètes, sans credo ni sacrements, mais archiconfraternels en cette aventure, ait été possible ; cela saute aux yeux. Mais qu’ils aient pu réussir au point de ressembler, pendant trois heures, à des thaumaturges inspirateurs du grand Amour,