Page:Bloy - Belluaires et porchers, 1905.djvu/295

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sans y laisser quelques copeaux essentiels de leurs téguments d’impies, c’est ce que contredit tout d’abord le plus rapide examen de la brochure de Maurice Bouchor.

Quant à l’interprétation mélodique de ses humbles et glorieux vers par les compagnons audacieux que je nommais tout à l’heure, elle est tout simplement adorable.

On ne me soupçonnera pas, je suppose, de vouloir flagorner le Catilinaire Jean Richepin dont l’astrakan m’horripile et qui, naguère, fit sortir de moi quelques adjectifs estimables qui ne seront jamais pardonnés.

Je suis donc tout à fait à l’aise pour déclarer que sa voix d’ « ange Gabriel » et de « roi nègre » m’est une obsession depuis cette soirée bienheureuse.

Je l’entends toujours, cette voix d’ébène et de clair de lune, cette voix languide et profonde, comparable seulement à des amalgames de lumière. C’est la caresse indicible du rayon perdu de quelque effrayante étoile qui ferait bouillir les immensités, à soixante milliards de lieues de nos cabanons.

Ce serait à croire que ce mercenaire de la poésie sacrilège a retrouvé, par cette occasion, sa véritable âme et que cet imperceptible théâtre, si prodigieusement élargi par sa présence, est l’unique endroit où il s’interrompe enfin, quelquefois, de jouer des rôles et de bafouer sa propre nature…