Page:Bloy - Belluaires et porchers, 1905.djvu/44

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vendre avec avantage à des éleveurs de soprani.

Les rampants sont les adorateurs du succès à n’importe quels autels. Ceux-là sont des prostitués et des Iscariotes.

« L’Art qui songe aux applaudissements abdique ; il pose sa couronne sur le front de la foule. »

Cette pensée magnifique est d’Ernest Hello, dont il sera parlé plus loin, lequel fut un des plus grands écrivains modernes, dévoré, hélas ! lui aussi, de la soif des apothéoses, mais qui n’en voulut jamais au prix de cette ignominieuse abdication.

L’avilissement volontaire de la Parole est, sans contredit, un des attentats les plus bas qu’on puisse rêver. Qu’un misérable sabrenas de roman-feuilleton se pollue chaque jour, comme un mandrille, à son rez-de-chaussée, pour la joie d’un public abject, c’est son métier et il n’a pas même assez de surface pour le mépris. Mais qu’un écrivain de talent, pour augmenter son tirage, pour être lu par des femmes et par des notaires, pour obtenir de l’avancement dans l’administration de la gloire, descende son esprit jusqu’à cette ordure et contraigne sa plume à servir de cure-dents à des gavés imbéciles dont il ambitionne de torcher les plats, — c’est un genre de déloyauté qu’il faut divulguer, s’il est possible, dans des clairons et dans des buccins d’airain, car c’est l’éternelle Beauté qui se galvaude en ces gémonies !