Page:Bloy - Belluaires et porchers, 1905.djvu/80

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sa vie en des œuvres nobles, payées finalement de la mort des pauvres, il faille encore endurer le mensonge d’une pitié posthume qui ne profite qu’à la sécrétion bilieuse de quelques amis impuissants ?

Mais, demain matin, j’entendrai les cloches des Rois, des trois vrais rois, des trois authentiques et très-vieux rois qui vinrent, une fois, en pleurant d’amour, du fond de l’Asie, pour adorer un Enfant pauvre.

On ne sait pas au juste d’où ils venaient, ces étrangers, mais c’était d’infiniment loin et leur puissante caravane aggravait, dit-on, le silence des solitudes, tellement ils se recueillaient à la pensée de contempler dans ses langes un petit Seigneur sans pain ni maison, qui résorbait en lui toute la joie des cœurs et toute la beauté des mondes.

C’est pour cela, chers contemporains infâmes, que leur fête ne peut pas finir. C’est parce qu’ils ont adoré l’Indigence même qu’une étoile s’est décrochée du firmament pour les précéder et que vous allez vous soûler ce soir, en songeant peut-être à d’autres individus qui sont appelés aussi du nom de rois, mais dont ils n’auraient assurément pas voulu pour carder le poil de leurs aimables chameaux.

Il est vrai que ces pèlerins portaient de véritables couronnes qu’il n’eût pas été facile de