Page:Bloy - Belluaires et porchers, 1905.djvu/92

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Daudet lui-même ; Robert de Bonnières, le joueur de luth de la cour des derniers Valois, fournisseur de petits vers en sucre pour les petits Noëls du grand monde et la plus venimeuse langue de l’univers. Celui-là se meurt, paraît-il, du « grand sympathique » !

N’oublions pas Octave Mirbeau, protégé et réconcilié avec Daudet par Hervieu dont le tendre cœur, — en velours, — s’affligeait d’une brouille ancienne entre ces grands hommes ; Rosny, le sociologue pluvieux, auteur d’un chef-d’œuvre qu’il ne recommencera jamais, et que son pédantisme ouvrier rend aussi désirable aux amants de la gaîté que ses charpentières prétentions à l’élégance mondaine ; enfin, pour n’en pas nommer cinquante autres, le couple Loti, c’est-à-dire Loti et son éternel frère Yves que tous les salons de Paris voudraient s’arracher, tellement ça remue le cœur de voir un si touchant exemple de fraternité !

Ce qui est plus touchant encore et profondément significatif, c’est la haine sauvage de tous ces gens-là les uns pour les autres. Daudet qui se sent méprisé comme un amas de fumier par chacun de ses convives et qui devine avec rage qu’on ne vient chez lui que parce qu’il faut aller quelque part, les déchire séparément aussitôt qu’ils ont décampé.

C’est un va-et-vient de potins atroces. Tous accourent dans cette maison dégorger leur fiel et chacun s’en va chargé d’un butin de dégoût.