Page:Bloy - Exégèse des Lieux Communs, Mercure de France, 1902.djvu/106

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
104
exégèse des lieux communs

Bref, Monsieur Édouard avait loué, depuis déjà plusieurs années, la plus importante partie de sa maison à un poète. Vous avez bien lu, un poète. Seulement il avait été trompé de façon odieuse. Ce poète s’était dit écrivain et, naturellement, le père Édouard pénétré, mouillé de respect, s’était cru en présence d’un monsieur faisant des écritures, d’un expéditionnaire dans quelque bureau. Il avait tellement cru cela que, même la vue de plusieurs livres marqués du nom de ce prétendu calligraphe et la lecture de plusieurs articles de journaux où on le traitait d’obscure canaille et de fangeux imbécile — ce qui est pourtant l’estampille du génie — n’avait pu lui ouvrir les yeux !

Il ne fallut pas moins que la misère brusquement visible et l’impossibilité probable de payer un prochain terme pour l’opérer de ses écailles. Ce lui fut un rude coup. Le digne homme se mit à gueuler avec d’autant plus de véhémence que la femme de son locataire était dangereusement malade et avait besoin d’une immense paix. Sans doute, on ne lui devait rien encore, il n’aurait plus manqué que ça. Mais il avait beau être le plus serviable des hommes, il n’était pas de ceux qu’on foutait dedans, etc. On ne put se dispenser de jeter dehors cette crème de bourgeois que la seule peur de n’être pas payé faisait semblable à un possédé et qui hurlait comme un pourceau qu’on égorge.

Or, voici ce qui arriva sous mes yeux, exactement.