Page:Bloy - Exégèse des Lieux Communs, Mercure de France, 1902.djvu/138

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Quatre jeunes hommes appartenant à je ne sais quel régiment de ligne arrivèrent comme des loups, un triste soir, dans une maison isolée, tout près des bois. Ils ne savaient plus où était leur colonne et, pour tout dire, ne tenaient pas à le savoir, étant tombés, à force de fatigue, de froid et de faim, dans un découragement complet. Manger n’importe quoi et dormir dans un endroit chaud, telle était désormais leur ambition unique, leur fin dernière.

Malheureusement, la maison dans laquelle ils venaient d’entrer et dont ils n’avaient eu qu’à pousser la porte ne leur parut pas l’endroit rêvé. Il leur sembla qu’il y faisait plus froid qu’au dehors et l’examen le plus minutieux ne leur fit pas découvrir une croûte de pain, ni une tranche de lard, ni une pomme de terre, ni une bouteille de vin, ni quoi que ce fût de potable ou de comestible. Le gîte était visiblement abandonné depuis des semaines.

Cette recherche, il est vrai, se fit misérablement avec quelques allumettes et un bout de bougie. Aucune espérance d’avoir du feu, le bois et le charbon étant aussi introuvables que les provisions de bouche, et ils étaient sans outils pour dépecer les boiseries. Un moment ils pensèrent à brûler la maison elle-même, mais ils s’avisèrent presque aussitôt qu’il n’y a rien qui chauffe aussi mal qu’un incendie et qu’après tout, l’abri tel quel de cette bicoque valait mieux que le spectacle des constellations. Puis, il était prudent de ne pas se faire trop remar-