Page:Bloy - Exégèse des Lieux Communs, Mercure de France, 1902.djvu/261

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

prouver l’emploi de son temps, un certain soir, il y avait trois ans.

Avec des gestes de lion au désespoir, il secoua sur ses épaules cette fatalité épouvantable. Comme des cristaux de compassion qu’une vibration trop puissante aurait brisés, des cœurs éclatèrent. Des sanglots furent entendus, çà et là, qui demandaient grâce.

Le verdict de culpabilité n’en devint que plus sûr. Le personnage influent du jury, un petit mandarin des Contributions indirectes, chafouin de bureau particulièrement implacable, n’eut pas de peine à faire comprendre à ses collègues qu’ils devaient craindre de se laisser gagner par un attendrissement ridicule, incompatible avec leur devoir ; que c’était l’occasion ou jamais de faire preuve de ce courage civil, si supérieur, comme on sait, au soi-disant héroïsme des champs de bataille et qui consiste à taper sur les pauvres et les sans défense avec une indomptable fermeté.

Un pharmacien qui avait des dents de cheval ajouta qu’il était, d’ailleurs, temps d’en finir avec ce faiseur d’embarras qui avait l’air de les regarder comme du caca et qu’il ne fallait pas rater l’occasion d’inculquer un peu de respect aux bohèmes et aux va-nu-pieds.

Enfin un fabricant d’eau de seltz, homme d’action qui passait pour être d’une jolie force au billard, affirma nettement qu’il se foutait des preuves ; que,