XXIV
Être dans les nuages.
Aimer autre chose que ce qui est ignoble, puant et bête ; convoiter la Beauté, la Splendeur, la Béatitude ; préférer une œuvre d’art à une saleté et le Jugement dernier de Michel-Ange à un inventaire de fin d’année ; avoir plus besoin du rassasiement de l’âme que de la plénitude des intestins ; croire enfin à la Poésie, à l’Héroïsme, à la Sainteté, voilà ce que le Bourgeois appelle « être dans les nuages ». D’où il suit que les nuages sont une espèce de patrie-omnibus pour quiconque n’est pas situé exactement au plus bas de tous les degrés de l’échelle, — ce qui n’est, bien entendu, le cas de personne. Car il y a une hiérarchie de nuages à n’en pas finir et voilà ce que cache soigneusement l’Ennemi des hommes.
Démonstration aussi facile qu’elle est importante. Un pauvre compagnon vidangeur raclant le gratin au fond d’une fosse et songeant aux pommiers ou aux acacias en fleurs, est incontestablement dans les nuages. Un triste employé de commerce interrompant ses bordereaux pour dévorer un feuilleton de Richebourg d’où lui vient la sensation d’une pantelante littérature, est encore plus dans