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Page:Bloy - Exégèse des Lieux Communs, Mercure de France, 1902.djvu/69

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exégèse des lieux communs

pas un idiot et qu’en dehors de ses fonctions, d’ailleurs brillamment remplies, de premier comptable à l’administration des Soufres, il était ce qu’on est convenu d’appeler quelqu’un.

Nul mieux que lui n’était informé de toutes les étapes de la science. Abonné à toutes les revues ou bulletins scientifiques et les dévorant ou feignant de les dévorer, on le consultait comme un répertoire. — Il faut être de son siècle, disait-il à chaque instant, considérant que ce siècle-là, qui était alors le dix-neuvième, avait au suprême degré tout ce qui pouvait faire désirer d’en être, au point de donner la démangeaison de revivre aux plus obsolètes poussières. Il n’admettait pas la plus lointaine supposition d’une tare ou d’un déchet, et les autres siècles, en comparaison, lui paraissaient irrespirables.

Il s’était fait inventeur pour appartenir plus complètement à un siècle d’inventions. Mais, je le répète, on ne savait que croire de ses découvertes. Il y avait chez lui une porte mystérieuse toujours fermée à triple tour sur laquelle on lisait ce simple mot : laboratoire et les conjectures allaient leur train.

Certains sous-entendus accompagnés de sourires vagues donnaient à penser qu’il avait dompté l’espace des airs et résolu le problème de la navigation aérienne. Quelques-uns présumaient avec profondeur qu’il avait dû retrouver le feu grégeois