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Page:Bloy - Histoires désobligeantes.djvu/143

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— Monsieur, dit-elle à voix très basse, je viens de recevoir l’extrême-onction et je vais mourir… Dieu est très bon et j’espère qu’il ne me rejettera pas… Je vous ai prié de venir parce que vous êtes un ami véritable et que vous accomplirez, j’en suis certaine, ce que vous demande humblement un cœur désolé.

Personne, excepté le prêtre qui sort d’ici, ne sait encore ce que j’ai fait. Quand je serai morte, tout le monde le saura et ce sera une honte horrible…

J’ai ruiné plusieurs personnes qui avaient confiance en moi et que j’ai trompées odieusement. Depuis trois ans, ma vie n’a été qu’une imposture, un mensonge de tous les jours, de toutes les heures. J’ai fait croire à d’anciens amis de la famille, que nous n’étions pas ruinées, ma mère et moi. On m’a prêté des sommes importantes que j’ai jetées dans la spéculation et que j’ai perdues. Je faisais, sans y rien entendre, mais avec une obstination de damnée, le trafic des valeurs de Bourse dans l’espérance de gagner une fortune… Vous comprenez… Je voulais devenir riche pour celui que j’aimais à la perdition de mon âme, que j’aime encore et pour qui je meurs inutilement !

… J’ai volé de très pauvres gens. Une fois, monsieur, j’ai dérobé à une vieille femme infirme et presque aveugle quelques titres ou obligations qui