Page:Bloy - Histoires désobligeantes.djvu/177

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Il adorait chez lui, dans un oratoire mystérieusement éclairé, cette partie de son propre corps que les prêtres de Cybèle tenaient autrefois en si grand honneur. Il l’avait fait mouler sur lui-même par un ouvrier fort habile et l’objet, exposé dans une sorte de tabernacle, recevait, chaque jour, les obsécrations de ce Corybante que les mondains croyaient un viveur, ― absolument comme les petits cabillauds de l’internat ont avalé que le bouddhiste Charcot était médecin. On ne saura jamais le nombre des gens qui sont autre chose que ce qu’ils paraissent aux yeux des contemporains.

Cela, monsieur, c’était son vrai crime, l’attentat suprême pour ceux qui savent et pour ceux qui voient dans la profondeur. Tout le reste en découlait.

Voici, maintenant, l’expiation qui dura dix ans, jusqu’à la veille de sa mort.

Chaque nuit, un très grand et très beau vieillard que les plus fières avaient aimé et que connaissaient maintenant toutes les rôdeuses, était invariablement raccroché dans l’ombre, à la dernière heure des retapes.

On savait son goût et le dialogue s’engageait, aussi crapuleux que possible du côté de la femme, tout à fait humble du sien, car il tenait à jouer le rôle d’un sale client consumé d’inavouables désirs.

Au bout de quelques minutes mesurées par un infaillible chronomètre, on s’entendait naturellement.