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Page:Bloy - Histoires désobligeantes.djvu/194

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Aristobule donc naquit, pour l’étonnement d’un grand nombre, à l’âge de cinquante-cinq ans, c’est-à-dire que, dès le biberon, se manifesta en lui une de ces prudences qui supposent environ trois fois la majorité des citoyens ordinaires.

Dans ses langes, l’aimable enfant se défiait déjà du monde entier. Taciturne par circonspection ou ne gueulant qu’avec astuce, il bava soupçonneusement jusqu’à l’échéance de sa dentition.

Ses parents s’estimèrent comblés du ciel pour avoir engendré un tel garçon, qui, ne parlant pas encore, surveillait déjà les domestiques, se faisait hisser sur des chaises pour vérifier le contenu des armoires et ne consentait à dormir qu’après avoir regardé sous tous les lits.

Écolier sournois et délateur, il se fit abhorrer de ses condisciples par ses allures de mouchard et par le silence hermétique où se claquemurait le néant de son vilain cœur.

L’unique pensée qu’il parut alors, comme depuis et jusqu’à la fin de ses misérables jours, capable d’excogiter, fut que tout le monde, aussi bien que lui-même, se dissimulait avec une attention continuelle, prodigieuse, et que les plus expansifs ou les plus bavards étaient précisément ceux dont il fallait le plus se garder.

Quand les sales pommiers de concupiscence commencèrent à fleurir en lui, aux alentours de son dix-