Page:Bloy - Histoires désobligeantes.djvu/23

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quelquefois avec le même torchon, disait avec rage madame Alexandre. Enfin, il faisait les courses des pensionnaires dont il avait la confiance et qui lui donnaient de jolis pourboires.

Aux heures de loisir, l’heureux vieillard se retirait dans sa chambre et relisait assidûment les œuvres de Paul de Kock ou les élucubrations humanitaires d’Eugène Transpire, ainsi qu’il nommait l’auteur des Mystères de Paris et du Juif Errant, les deux plus beaux livres du monde.



Pendant la guerre, naturellement, la maison périclita. Les clients étaient en province ou sur les remparts et l’état de siège rendait les trottoirs impraticables.

L’exaspération de madame Alexandre fut à son comble. Du matin au soir, elle ne cessait d’exhaler sa fureur contre le Vieux qui se racornissait de plus en plus et qu’elle vomissait à pleine gueule, sans interruption.

Elle alla, dans son délire, jusqu’à l’accuser d’avoir allumé le conflit international par ses manigances. Quand fut décidée la rançon des cinq milliards, elle se prétendit frustrée, vociférant que c’était autant de fichu pour son commerce et qu’on devrait bien fusiller tous les vieux salauds qui portaient malheur…