Page:Bloy - Histoires désobligeantes.djvu/237

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tel point le paradoxe joyeux qu’on vient d’entendre qu’il me serait impossible de vous priver d’un témoignage si concluant.

La lettre que voici, continua-t-il, exhibant une feuille de papier, est d’un artiste fort connu et parfaitement honorable, vous m’entendez bien ? parfaitement et absolument ho-no-ra-ble.

« Cher monsieur, vous me fîtes l’honneur, il y a quelques jours, de remarquer en moi une certaine tristesse que rien ne dissipe et dont la cause vous échappait. Vous insistâtes pour la connaître. Je me décide aujourd’hui à vous satisfaire.

» C’est un secret terrible et passablement dangereux que je porte depuis quinze ans. Vous paraissez avoir vu plus profondément en moi que les autres hommes. Peut-être ne serez-vous pas trop étonné. Peut-être même sentirez-vous quelque pitié pour un individu lamentable que le monde croit heureux et que déchirent continuellement des remords atroces.

» N’importe, je me livre à vous dans l’espoir d’être soulagé d’une partie de ce fardeau chaque jour plus accablant. On finit toujours par être forcé de se confesser à quelqu’un, et je vous choisis pour n’être pas exposé à la tentation de m’adresser au premier gendarme venu, puisque je n’ai pas le courage de chercher un prêtre.

» Rassurez-vous, ce ne sera pas long.

» En 187.., j’avais vingt-cinq ans et je crevais de