Page:Bloy - Histoires désobligeantes.djvu/25

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fuyait comme un criminel devant les pantalons rouges.

Ceux-ci, pleins de défiance, ne le suivaient pas encore, hésitant à tirer sur un homme d’un si grand âge. Ils accoururent en le voyant s’arrêter à la porte du grand 12.

— Avance à l’ordre et fais voir tes pattes !

Le vieillard, pantelant d’effroi, se précipita sur la sonnette et se mit à carillonner.

— Titine, ma Titine, c’est moi ! Ouvre à ton vieux père.

La fenêtre close du mauvais lieu s’ouvrit alors spontanément et madame Alexandre, ivre de joie, désignant son père aux soldats, leur cria :

— Mais fusillez-le donc, tonnerre de Dieu ! Il était tout à l’heure avec les autres. C’est un sale communard, c’est un pétroleur qui a essayé de foutre le feu au quartier.

On n’en demandait pas davantage en ces gracieux jours et papa Ferdinand, criblé de balles, tomba sur le seuil…

Aujourd’hui, madame Alexandre est retirée des affaires et n’habite plus le quartier de la Bourse dont elle fut, si longtemps, la gloire. Elle a trente mille francs de rentes, pèse quatre cents kilos et lit avec émotion les romans de Paul Bourget.