Page:Bloy - Histoires désobligeantes.djvu/291

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Elle songeait, en regardant les ténèbres, que c’était pourtant bien cruel de n’avoir même pas le droit de pleurer dans un misérable coin. En supposant que l’horreur de salir ses larmes ne l’eût pas empêchée de les répandre quelquefois sur le fumier de cette étable à cochons, une effusion si mélancolique eut été blâmée à l’instant par madame Demandon, comme une preuve d’égoïsme et de lâcheté criminelle.

Cette vieille chenille du Purgatoire avait toujours interdit rigoureusement les plaintes, disant qu’une enfant doit être la récompense et la « couronne » d’une mère. Elle avait même là-dessus d’humides phrases empruntées à la rhétorique jaculatoire des images de dévotion, qu’elle idolâtrait.

Le cœur de la malheureuse fillette, comprimé dans un étau implacable, avait donc résorbé silencieusement ses peines, sans jamais avoir pu se barricader ni s’endurcir.

Quoi qu’on pût lui faire, elle agonisait de la soif d’amour, et, n’ayant personne à chérir, elle entrait, parfois, au milieu du jour, dans les églises, pour y sangloter à son aise au fond de quelque chapelle tout à fait obscure.

Ces heures d’attendrissement avaient été les meilleures de sa vie, et le simulacre de passion qui lui était venu plus tard ne les avait certes pas values.

Au moins, elles ne lui avaient pas laissé d’amertume, ces heures bénies où les sources de son cœur