Page:Bloy - Histoires désobligeantes.djvu/295

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sur son chemin, parce qu’il pleuvait, parce qu’elle avait le cœur et les nerfs malades, parce qu’elle était lasse à mourir de l’uniformité de ses tourments, et probablement aussi par curiosité. Elle ne savait plus. C’était devenu pour elle tout à fait incompréhensible.

Et quelle odieuse platitude en cette intrigue de stations d’omnibus et de restaurants à prix fixe ! Sa meilleure excuse, peut-être, avait été — comme toujours, hélas ! — l’illusion facilement procurée à une fille si malheureuse par un homme bien vêtu et dont la politesse paraissait exquise.

La liaison avait duré quelque temps, et par noblesse de cœur, par fierté, pour ne pas être une prostituée, bien qu’il la secourût à peine, elle s’était efforcée consciencieusement d’aimer ce garçon dont elle sentait si bien l’égoïsme et la prétentieuse médiocrité.

Mais maintenant, c’était bien fini. Il ne lui restait plus qu’un intolérable dégoût pour le misérable amant dont elle aurait accepté l’âme étroite, mais dont l’étonnante lâcheté l’avait saturée de tous les crapauds du mépris et de l’aversion.

Trahie, abandonnée, outragée et goujatement lapidée d’ordures par celui-Là même à qui elle avait sacrifié son unique fleur, quel châtiment rigoureux pour la folie d’un seul jour !

Maintenant donc, que devenir ? Est-ce que vraiment elle ne pourrait pas échapper à la chose odieuse dont avait parlé sa mère ?