Page:Bloy - Histoires désobligeantes.djvu/361

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Quand je me représente cette minute, je suis capable de tout endurer. Ma seule consolation et mon seul espoir, c’est qu’on se moque de moi, qu’on m’insulte, qu’on me traîne le visage dans les ordures. Ceux qui font ainsi, je les aime, je les bénis « de toutes les bénédictions d’en bas », parce que cela, voyez-vous, c’est la justice, la vraie Justice.

Vous vous êtes mis en colère et vous avez abusé de votre force contre un homme dont je ne mérite pas, certainement, de décrotter la chaussure. Vous m’avez forcé à prier pour lui toute la nuit, étendu au seuil de sa porte, ainsi qu’un cadavre, et, ce matin, je l’ai supplié, par les Cinq Plaies de notre Sauveur, de me marcher sur la figure…

Oh ! monsieur, n’essayez pas de me justifier, je vous en conjure. Ne me dites rien d’humain. Je vous le demande pour l’Amour de Dieu, qui s’est promené sur cette montagne. Tout ce qui peut colorer une infamie, croyez-vous que je ne me le sois pas dit à moi-même et que d’autres encore ne me l’aient pas dit, jusqu’au jour où il me fut donné de comprendre que j’étais le plus ignoble des assassins ?

Cet homme que j’ai tué avait une femme et deux enfants. La femme est morte de chagrin, entendez-vous ? Moi, j’ai donné un million pour les orphelins. Si je n’ai pas tout donné, c’est que des raisons de famille, plus fortes que moi, s’y opposaient. Mais j’ai