Page:Bloy - Histoires désobligeantes.djvu/60

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Une espèce d’analogie me fera peut-être comprendre.

Vous rappelez-vous ces chronologiques épitomés qu’infligèrent à notre enfance des pédagogues inassouvis de malédictions ? Chaque époque est condamnée à respirer entre quatre pages étroites, en ces opuscules suffocants où les événements les plus éloignés, les plus distincts, sont empilés et pressés à la manière des salaisons dans la caque d’un exportateur.

Charlemagne y compénètre Mérovée, les premiers Valois ne font qu’un mastic avec les Valois d’Orléans ou les Valois d’Angoulême, Henri III crève les côtes à Charles le Sage, François Ier s’aplatit sur Louis le Gros, Ravaillac assassine Jean Sans Peur et c’est à Varennes que Louis XIV a l’air de signer la Révocation de l’Édit de Nantes. Etc. Tout recul est impossible et le chaos indébrouillable.

Lazare, dernier du nom, et n’ayant plus rien devant lui que le Goujatisme grandissant de la fin du siècle, était lui-même, en quelque manière, un de ces terribles abrégés.

Incapable de s’ajuster à la vie contemporaine qui le pénétrait de dégoût, il résidait au fond de son propre cœur, tel que, dans son antre, un dragon d’avant le déluge, inconsolable et hagard de la destruction de son espèce.

Il portait vraiment en lui les âmes de tous les