Page:Bloy - Histoires désobligeantes.djvu/70

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d’en souffrir et la « funeste » résolution qui a terminé leur existence généralement enviée doit paraître inexplicable.

Une lettre ancienne déjà de ce malheureux Fourmi, que je connus avant son mariage, m’a permis de reconstituer, par voie d’induction, toute sa lamentable histoire.

Voici donc cette lettre. On verra, peut-être, que mon ami n’était ni un fou, ni un imbécile.

« … Pour la dixième ou vingtième fois, cher ami, nous te manquons de parole, outrageusement. Quelle que soit ta patience, je suppose que tu dois être las de nous inviter. La vérité, c’est que cette dernière fois, aussi bien que les précédentes, nous avons été sans excuses, ma femme et moi. Nous t’avions écrit de compter sur nous et nous n’avions absolument rien à faire. Cependant nous avons manqué le train, comme toujours.

« Voilà quinze ans que nous manquons tous les trains et toutes les voitures publiques, quoi que nous fassions. C’est infiniment idiot, c’est d’un ridicule atroce, mais je commence à croire que le mal est sans remède. C’est une espèce de fatalité cocasse dont nous sommes les victimes. Rien n’y fait. Il nous est arrivé de nous lever à trois heures du matin ou même de passer la nuit sans sommeil pour