Page:Bloy - Histoires désobligeantes.djvu/86

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se croire libre d’aller et venir, environ huit heures par jour.

Elle ignorait que la concierge, grassement payée, inscrivait ses entrées et ses sorties et que des espions échelonnés dans les rues voisines épiaient avec soin toutes ses démarches.

La prisonnière profita donc de ce simulacre d’élargissement pour s’enivrer d’un autre air que celui du cloître infâme où elle n’osait pas même respirer.

Elle alla voir des parents, d’anciennes amies, elle se promena sur le boulevard et le long des quais. Elle en fut punie par des scènes d’une violence diabolique et devint encore plus malheureuse : car Théodore, en surplus de ses autres qualités charmantes, était jaloux comme un Barbe-Bleue de Kabylie.

C’en était trop. Il arriva ce qui devait naturellement, infailliblement arriver sous un tel régime.

Madame Théodore écouta sans déplaisir les propos d’un étranger qui lui parut un homme de génie en comparaison de tels idiots. Elle le vit aussi beau qu’un Dieu, parce qu’il ne leur ressemblait pas, le crut infiniment généreux parce qu’il lui parlait avec douceur et devint sur-le-champ sa maîtresse, dans un transport d’indicible joie.

Ce qui vint ensuite a été raconté, ces jours derniers, dans un fait divers.