Page:Bloy - Histoires désobligeantes.djvu/94

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Miss Pénélope vivait exclusivement pour assurer le bonheur d’autrui. Cette Écossaise, informée de l’inexistence de Dieu, adorait avec une égale ferveur tous les habitants de la planète.

On la rencontrait sans cesse par les rues, allant porter des consolations aux uns et aux autres. Elle ne pouvait entendre parler d’une catastrophe, d’une maladie ou d’une affliction sans qu’aussitôt elle s’élançât afin de répandre, sur les dolents ou les abîmés, le dictame de ses conseils et l’électuaire de sa compassion.

Elle aurait voulu être partout à la fois et parvint souvent, à force de diligence, à donner l’illusion de l’ubiquité.

On la trouvait, à la même heure, au chevet d’un agonisant, à la réception d’un immortel, dans l’escalier d’un éditeur ou d’un journaliste, dans le salon de quelque juive, à l’ouverture d’un testament ou derrière le cercueil d’un mort.

Elle se faufilait ainsi, pénétrait dans la vie d’une multitude qui finissait par la supposer indispensable à quelque équilibre mystérieux.

Certains même la crurent un ange, mais d’une classe d’anges, il est vrai, non catalogués par saint Denys l’Aréopagite, cantonnés à une distance infinie