Page:Bloy - La femme pauvre.djvu/102

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jamais d’autre aumône que l’inutile suffrage qu’il a demandé… Peut-être, un jour, sera-t-il permis enfin d’affirmer que la peinture dite religieuse des Renaissants n’a pas été moins funeste au Christianisme que Luther même, et j’attends le poète clairvoyant qui chantera le « Paradis perdu » de notre innocence esthétique. Mais fermons cette parenthèse et revenons à notre sujet.

J’ai donc fait un jour le pèlerinage de la Salette. J’ai voulu voir cette montagne glorieuse que les Pieds de la Reine des Prophètes ont touchée et où le Saint-Esprit a proféré, par sa Bouche, le cantique le plus formidable que les hommes aient entendu depuis le Magnificat. Je suis monté vers ce gouffre de lumière, un jour d’orage, dans la pluie furieuse, dans l’effort des vents enragés, dans l’ouragan de mon espoir et le tourbillon de mes pensées, l’oreille rompue des cris du torrent… Je compte bien ne pas mourir sans avoir fixé dans quelque livre d’amour le ressouvenir surhumain de cette escalade où j’offrais toute mon âme à Dieu dans les cent mille mains de mon désir… J’ai beau patauger, depuis vingt ans, dans les immondices de Paris, je n’arrive pas à découvrir de quels amalgames de résidus sébacés, de quelles balayures excrémentielles marinées dans les plus fétides croupissoirs, purent être formés les sales enfants de bourgeois que l’événement de la Salette scandalisa et qui inventèrent je ne sais quelles turpitudes pour le décrier. Mais je témoigne qu’à l’endroit même où l’Esprit redoutable s’est manifesté, j’ai senti la commotion la moins douteuse, le choc le plus terrassant