Page:Bloy - La femme pauvre.djvu/113

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mastodonte. La claque, je crois, fut assez retentissante et faillit lui faire perdre l’équilibre.

— Debout ! dis-je. Il se retourna d’un bloc, en grognant comme un sanglier, mais s’il eut quelque velléité d’indignation, je vous jure qu’aussitôt après m’avoir regardé il perdit tout besoin d’évacuer ce sentiment généreux. Je le contraignis à se lever et l’amenant jusqu’à sa victime qui pleurait toujours et qui n’avait pas relevé la tête, je lui dis encore :

— Vous avez insulté bassement et ignoblement un chrétien qui ne vous faisait aucun mal. Vous allez, n’est-ce pas ? lui demander pardon. Ce sera, peut-être, une leçon profitable pour quelques-uns des lâches qui nous écoutent. Comme il faisait mine de protester, je lui replantai la main dans la nuque avec une telle furie d’autorité qu’il tomba sur ses genoux aux pieds du bonhomme glacé de stupéfaction.

— Maintenant, ajoutai-je, vous allez, à haute et distincte voix, vous humilier devant celui dont vous êtes l’offenseur, sinon je jure Dieu que je vous arracherai la peau avant que nous sortions de cette écurie… Quant à vous, Monsieur, laissez-moi faire, j’accomplis un acte de justice, non pour vous, mais pour l’honneur de Marie qu’on outrage un peu trop ici.

J’expérimentai une fois de plus, en cette occasion, l’étonnant pouvoir d’un seul homme qui déploie son âme et l’incomparable couardise des blagueurs. Celui-là demanda pardon à genoux comme je l’avais exigé, ajoutant, pour