Page:Bloy - La femme pauvre.djvu/161

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transcendantes ou élémentaires. En somme, le touchant Pélopidas lui donnait de véritables aliments, malgré le désordre parfois héroïque des aperçus.

La science conférée par ce maître était pour elle comme du pain boulangé par quelque mitron somnambule, dans lequel il y aurait eu des pierres, des clous, du papier, des rognures de pantalon, des bouts de ficelle, des tuyaux de pipe, des arêtes de poisson et de pattes de scarabée, — mais, tout de même, du vrai pain de froment qui la fortifiait.

— Qu’est-ce que le Moyen Âge ? lui demanda-t-elle une fois, après la lecture d’un fameux sonnet de Paul Verlaine.

Ce jour-là, Gacougnol sortit de lui-même et fut magnifique. Il se leva de son tabouret, déposa sa palette, ses pinceaux, son brûle-gueule, tout ce qui peut empêcher un homme de se mettre au diapason du sublime et, debout au milieu de l’atelier, prononça ces paroles dignes du grand marquis de Valdegamas :

— Le Moyen Âge, mon enfant, c’était une immense église comme on n’en verra plus jusqu’à ce que Dieu revienne sur terre, — un lieu de prières aussi vaste que tout l’Occident et bâti sur dix siècles d’extase qui font penser aux Dix Commandements du Sabaoth ! C’était l’agenouillement universel dans l’adoration ou dans la terreur. Les blasphémateurs eux-mêmes et les sanguinaires étaient à genoux, parce qu’il n’y avait pas d’autre attitude en la présence du Crucifié redoutable qui devait juger