Page:Bloy - La femme pauvre.djvu/199

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en fouillant sa barbe vermineuse, mais ché né fois pas très pien pourquoi ce cheune homme fait te la mussique chez les prâfes chens. Chai connu autrefois un chôli carsson qui téterrait les catâfres tans les cimetières pour les mancher. Ah ! ah ! c’était pien plus trôle !

Le silencieux Léopold n’avait pas desserré les lèvres et Marchenoir avait fini par s’emparer d’un carton qu’il feuilletait dans l’ombre de Gacougnol.

Celui-ci, exclusivement occupé d’observer Clotilde, regardait passer les navires de l’émotion sur ce visage limpide où se peignirent successivement la surprise, l’effroi, la tristesse, le dégoût et, peu à peu, quelque chose qui ressemblait à l’humiliation.

Interrogée, elle lui répondit : — J’ai honte de la mort, tellement votre chanteur la profane et l’avilit.

Sur ce mot, le maître du lieu se leva et s’approchant du piano :

— Mon cher Monsieur Crozant, dit-il, vous nous voyez à moitié défunts, à force de joie. Vous devez avoir besoin de repos. Nous serions, d’ailleurs, ambitieux, je ne saurais vous le cacher plus longtemps, d’apprendre de votre bouche la genèse d’un art aussi extraordinaire que le vôtre. Je devine que vous tenez en réserve des explications peu banales.

— Ah ! oui, peu banales, vous pouvez le dire ! s’écria aussitôt le musicien qui, évoluant sur le tabouret, rejeta en arrière, d’un mouvement de bélier, son abondante chevelure ; cligna des yeux trois ou quatre fois ; fit exécuter au petit doigt de sa main gauche une danse furieuse