Page:Bloy - La femme pauvre.djvu/73

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je penserais que ce n’est pas bien difficile ni bien long de me donner la mort et je prierais les lions, au Nom de Jésus, de ne pas me faire trop longtemps souffrir. Je suppose que ces animaux féroces me comprendraient, car je leur parlerais avec une grande foi. Ne le croyez-vous pas ?

La joie de Pélopidas fut extrême et se manifesta spontanément par des cris et des gambades.

— Ma petite Clotilde, beuglait-il, vous êtes simplement ravissante et je vous adore. Moi, je suis un idiot, vous m’entendez bien, un triple idiot. Jamais je n’aurais trouvé ça. Grâce à vous, je vais pouvoir faire quelque chose de propre. Voyez-vous, mon petit corbeau noir, nous sommes si crétins, dans l’huile, que nous n’arrivons jamais à nous mettre au vrai point de vue. Nous ne savons pas être simples comme il faudrait, parce que nous voulons être spirituels et faire entrer nos idées de deux sous dans la tire-lire du Bon Dieu, et porter nos têtes de cochons, comme des saints Sacrements de bêtise, à quarante pas devant nous, dans les processions des imbéciles ! Je dis ça pour les plus malins autant que pour moi-même… Votre idée me transporte et, tenez ! je m’en vais la fixer tout de suite.

À ces mots, il se précipita sur un carton, s’empara fougueusement d’une vaste feuille de papier qu’il boucla sur un châssis et se mit à dessiner à grands traits, sans interrompre le monologue.

— Vous allez voir. Restez là, ma bonne fille, je n’ai pas besoin de la pose. Je vais tâcher, d’abord, de bâtir un peu