Page:Bloy - La femme pauvre.djvu/76

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de me laisser faire tranquillement ce qui me plaira. Je suis un animal qu’il ne faut pas contrarier. Vous êtes venue chez moi pour vous mettre à mes ordres, je suppose. Par conséquent, vous devez m’obéir bien gentiment. Vous comprenez que je ne peux pas vous emmener dans ce costume… Nous allons donc passer par cette halle qui est sur notre chemin et vous ferez un peu de toilette. Oh soyez tranquille, ce n’est pas un cadeau. Je n’ai pas le droit de vous en faire. C’est tout simplement un petit acompte sur nos séances… D’abord, vous savez, moi, je n’aime pas les pauvres, je ne peux pas les sentir, j’ai l’inspiration trop décorative et je ne pourrais rien faire avec un modèle de tête qui ne serait pas vêtu convenablement… Puis, nous déjeunerons quelque part. Je crève de faim et vous aussi, peut-être. Nous tâcherons de ne pas nous embêter… Ah ! par exemple, vous seriez aimable de ne pas vous habiller pendant deux heures. Je suis sorti pour voir des animaux distingués et je voudrais bien ne pas arriver trop tard. J’ai besoin d’une masse de croquis…

Clotilde eût été fort embarrassée s’il avait fallu répondre. Gacougnol débobinait sa palabre la plus active et se parlait surtout à lui-même. La malheureuse était, d’ailleurs, peu capable de former une idée quelconque. Elle se croyait en plein rêve et n’avait pas trouvé un seul mot depuis que ce diable d’homme s’emparait, en claironnant comme un chef barbare, de sa flexible volonté.

Naïvement, elle obéissait, suivant l’instinct des êtres profonds. Son âme supérieure lui disait d’accueillir cette