Page:Bloy - Le Désespéré.djvu/142

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mourir. Nul spectacle ne pouvait attirer plus fort un personnage aussi fréquenté de visions funèbres, — sorte de carrefour humain, toujours ténébreux, où se faisaient des conciliabules de fantômes dans le perpétuel minuit tragique du souvenir.

Ce qui l’avait souvent exaspéré, cet acolyte passionné de tous les deuils, c’est l’absence, ordinairement absolue, de prières, sur les cercueils, dans les enterrements soi-disant religieux, les plus somptueusement exécutés. Les fleurs abondent et même les larmes, mais l’effrayant épisode surnaturel de la comparution devant le Juge et l’incertitude plus glaçante encore d’une Sentence inéluctable, — combien peu s’en souviennent ou sont capables d’y penser !

On se groupe avec des airs dolents, on s’informe exactement de l’âge du défunt et on s’assure, avec une bienveillance polie, qu’il laisse après lui, en même temps que le parfum de ses vertus, des consolations suffisantes à ceux qui « viennent d’avoir la douleur de le perdre ». Si cet émigrant, vers le pourrissoir a tripotaillé avec succès, on voit s’empresser à travers la foule, comme des acarus dans une toison, quelques preneurs de notes envoyés par les grands journaux, — rapides chacals attirés par l’odeur de mort. Si la maladie a été longue et douloureuse, on se montre plus accommodant que la Sacrée Congrégation des Rites et on le béatifie volontiers, en déclarant « qu’il est bien heureux, maintenant, et qu’il ne souffre plus ».

Pendant ce temps, la terrible Liturgie gronde et pleure sans écho. C’est son affaire de parler au Juge, cela rentre dans les frais qui grèvent, hélas ! toute