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Page:Bloy - Le Désespéré.djvu/179

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XXXVIII


— Que voulez-vous que je vous réponde ? Il en sera ce que Dieu voudra et j’espère bénir sa volonté sainte à l’heure de ma dernière agonie. Si j’étais riche, je pourrais arranger mon existence de telle sorte que les dangers qui vous épouvantent pour moi disparussent presque entièrement. J’écrirais mes livres à genoux, dans quelque lieu solitaire où je n’entendrais même pas les clameurs ou les malédictions du monde. Il n’en est pas ainsi, par malheur, et j’ignore où l’infâme combat pour la vie va m’entraîner…

Vous parlez de cette passion… C’est vrai que je suis à peu près sans force pour y résister. Depuis des années, je suis chaste, comme le « désir des collines », — avec une pléthore du cœur. Vous êtes praticien des âmes, vous savez combien cette circonstance aggrave le péril. Mais la noble fille inventera quelque chose pour me sauver d’elle,… je ne sais quoi,… pourtant, je suis assuré qu’elle y parviendra. Quant aux querelles, j’en aurai probablement, et de toutes sortes, je dois m’y attendre.

Mais cela n’est rien, — dit-il d’une voix plus ferme, en se dressant tout à coup. — Si je profane les puants ciboires qui sont les vases sacrés de la religion démocratique, je dois bien compter qu’on les retournera sur ma tête, et les rares esprits qui se réjouiront de mon audace ne s’armeront, assurément