Page:Bloy - Le Désespéré.djvu/200

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fit le geste de s’emparer d’une paire de ciseaux. Puis, tout à coup, se ravisant :

— Non, dit-elle, je les couperais mal, le marchand n’en voudrait pas et j’ai besoin d’argent pour l’autre chose.

Elle s’habilla rapidement, fit sa prière du matin et sortit.

Quand elle rentra, elle était tondue comme une brebis d’or, et rapportait soixante francs. L’infâme perruquier, qui l’avait volée, d’ailleurs, avait rétabli, tant bien que mal, avec des bandeaux et des étoupes, l’harmonie de sa tête, mais le massacre était évident et horrible. Elle avait pu échapper, sous son épaisse fanchon, à l’examen des gens de la maison, mais si Leverdier allait venir !… Il avait de très bons yeux et il serait impossible de se cacher de lui. Il s’opposerait sûrement à ce qu’elle voulait faire encore. Cette crainte la mit en fuite. — Mieux vaut en finir tout de suite, pensait-elle, en redescendant comme une voleuse.


XLII


Elle se souvenait d’avoir autrefois connu, rue de l’Arbalète, un petit juif besogneux qui vivait de vingt métiers plus ou moins suspects. Le vieux drôle faisait ostensiblement l’immonde commerce des reconnaissances du mont-de-pitié et elle s’était laissé rançonner par lui un assez bon nombre de fois. C’était bien l’homme qu’il lui fallait, celui-là ! Il n’était,