Page:Bloy - Le Désespéré.djvu/228

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

cadence ! Son histoire est, d’ailleurs, infiniment simple.

Après un tas de siècles pleins de liberté et de génie, Bossuet apparaît enfin qui confisque et cadenasse à jamais, pour la gloire de son calife, dans une dépendance ergastulaire du sérail de la monarchie, toutes les forces génitales de l’intellectualité française. Ce fut une opération politique assez analogue aux précédents élagages de Louis XI et de Richelieu. Ce qu’on avait fait pour les vassaux redoutés du Roi Très Chrétien, l’aigle domestiqué du diocèse de Meaux l’accomplit pour la féodalité plus menaçante encore de la pensée. À dater de ce coupeur, silence absolu, infécondité miraculeuse.

Toute philosophie religieuse dut se configurer à la sienne et l’on a vu cet inconcevable sacrilège d’un immense clergé, le cul par terre, sur l’Hostie sainte, et la tête perdue dans le bas vallon de sa soutane, adorativement prosterné devant une perruque pourrie, en obéissance posthume à la consigne épiscopale d’un valet de cour. Cela pendant deux cents ans, depuis 1682 jusqu’à nos imbéciles jours.

L’abortive culture des séminaires n’atteignit pas cependant, du premier coup, son solstice d’impuissance. Il fallut que l’hostilité grandissante des temps modernes fît comprendre, peu à peu, à cette milice la nécessité d’être couarde, et la sublime sagesse de décamper en jetant ses armes aux pieds de l’ennemi. À chaque fois que l’impiété se montrait plus insolente ou l’antagonisme philosophique mieux équipé, l’enseignement religieux se rétrécissait d’autant et le sacerdoce rentrait ses cornes. Le télescope théologique se rapetissait en avalant ses tubes, dans