Page:Bloy - Le Désespéré.djvu/230

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— La manne de l’âme, — L’aimable Jésus, — Que la religion est donc aimable ! — Plaintes et Complaisances du Sauveur, — La vertu parée de tous ses charmes, — Marie, je vous aime, — Marie mieux connue, — Le catholique dans toutes les positions de la vie, etc. Tels sont les titres qui sautent à l’œil, aussitôt qu’on regarde une boutique de livres dévots.

Et il ne faudrait pas se hâter de croire à d’insignifiantes plaquettes. L’aimable Jésus, à lui seul, a trois volumes. La bêtise de ces ouvrages correspond exactement à la bêtise de leurs titres. Bêtise horrible, tuméfiée et blanche ! C’est la lèpre neigeuse du sentimentalisme religieux, l’éruption cutanée de l’interne purulence, accumulée en une douzaine de générations putrides qui nous ont transmis leur farcin !

Une inqualifiable librairie de la rue de Sèvres vend ceci, par exemple : Indicateur de la ligne du ciel. Un tout petit papier de la dimension d’un paroissien, pour y être inséré comme une pieuse image. La première page offre précisément la vue consolante d’un train de chemin de fer, sur le point de s’engouffrer dans un tunnel, au travers d’une petite montagne semée de tombes. C’est « le tunnel de la mort », au-delà duquel se trouve « le Ciel, l’Éternité bienheureuse, la Fête du Paradis ». Ces choses sont expliquées, en trois pages minuscules de cette écriture liquoreusement joviale, que le journal le Pèlerin a propagée jusqu’aux derniers confins de la planète, et qui paraît être le dernier jus littéraire de la saliveuse caducité du christianisme. On prend son billet d’aller sans retour, au guichet de la Pénitence, on paie en bonnes œuvres, qui servent en même temps de bagages, il n’y a pas de wagons-lits et les trains