Page:Bloy - Le Désespéré.djvu/243

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ture, prise dans l’étau du dilemme de son obéissance et de l’impossibilité absolue de vivre seule, aurait vingt fois perdu la tête, sans le bienheureux précédent des absolutions données, quand même, par le bonhomme qui avait accepté la cote mal taillée de cette inévitable situation, dont elle était bien certaine de n’avoir jamais abusé.

Et puis, elle les exaspérait, tous ces ecclésiastiques à charnières, par son adorable simplicité qui aurait dû les attendrir jusqu’aux larmes. La confession, qui porte ce nom grandiose de Sacrement de Pénitence, est devenue, dans le coulage et le délavage actuel du christianisme, un vulnéraire si parfaitement incolore et neutre, que sa force thérapeutique sur les âmes doit, en général, être à peu près nulle. C’est presque toujours une petite mécanique prévue, du fonctionnement le plus enfantin. Le pénitent apporte sa formule de contrition et le confesseur lui passe en échange sa formule d’exhortation. C’est un négoce de rengaines apprises par cœur, où le cœur, précisément, n’a plus rien à faire d’aucun côté, et dont le Seigneur Dieu s’accommode comme il l’entend. Véronique ignorait profondément cette tenue de sottes paroles en partie double. Elle en avait appris une autre, — un peu différente, — et depuis qu’elle l’avait oubliée, elle ne savait plus rien au monde, sinon le sublime de l’amour divin et de l’amour humain fondus ensemble dans une seule flamme aussi candide que tous les lys. Mais voilà ce qui ne pouvait être compris.

Tant qu’ils voulurent, ils lui tordirent le cœur, de leurs mains salissantes et pataudes, à cette ouaille très soumise qui ne demandait pas mieux que de