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Page:Bloy - Le Désespéré.djvu/270

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sans la rencontre du téméraire qui l’avait orbité, comme un satellite, dès le premier jour. En général, il exhibait tout d’abord quelques objections prudentes, — quelques rossignols d’objections, toujours écartées, — qu’il réintégrait dans le sous-sol de son esprit, aussitôt que Marchenoir commençait à invectiver contre l’univers. Alors, il s’installait volontiers sur l’arête des gouffres et s’offrait à piloter le délire. En cette occasion, il voyait à merveille que la manœuvre décidée par l’incorrigible casse-cou, allait le couler indubitablement. Il fallait, d’avance, renoncer à cette collaboration nutritive, un instant rêvée pour lui au Basile. Beauvivier publierait, peut-être, le coup de boutoir initial et ce serait fini. Mais le moyen de s’opposer à un forcené si éloquent ? C’était l’orgueil de Marchenoir de se couper lui-même par la racine, quand on voulait l’empoter. En conséquence, Leverdier prit son parti, comme toujours, temporisateur inconstant qui s’achevait en outrancier.

— Le sujet est superbe, en effet, dit-il, après un silence. Puisqu’il est décidément impossible de caser dans la presse un homme de ton caractère, ne ménage rien, assomme, égorge, extermine ce que tu pourras de ces lâches canailles, qui sauront toujours assez se venger, par le silence, des écrivains de talent dont la hauteur solitaire les épouvante et qu’ils peuvent sûrement affamer, en leur fermant toute publicité. Ce n’est, certes, pas moi, qui plaidaillerai pour eux. Mais, tout à l’heure, ne viens-tu pas de trouver le titre de ton article ? La Sédition de l’excrément ! Hé !… ce n’est pas trop mal, il me semble. Ta réputation de scatologue ne laisse plus rien à désirer