Page:Bloy - Le Désespéré.djvu/293

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trahison, et c’est par là qu’il est entré dans l’hermétique originalité, dont les crochets et les monseigneurs de ses autres lyrismes n’auraient pu forcer la serrure.

Imiter Victor Hugo aussi parfaitement que Beauvivier n’est pas interdit à tous les mortels, mais nul ne peut prétendre à refléter seulement l’ombilic de ce Rétiaire de l’Innocence. Voilà tout ce qu’on en peut dire. Celui qui chantera, d’une juste voix, sur la cithare ou le tympanon, la haine de cet homme pour l’innocence, sera certainement un moraliste à l’aile robuste et un fier lapin. Il ne faut pas rêver mieux que d’en constater certains effets. Il paraît que la vieille crasse juive brûle comme un sédiment calcaire, lorsqu’elle est touchée par l’eau du baptême.

Beauvivier est l’auteur d’un nombre infini de livres de diverses sortes, mosaïque perverse et compliquée, où transparaît, sans relâche, l’intime obsession de déshonorer et de salir. Son dernier roman, l’Inceste, une des plus effrontées copies d’Hugo qu’on se puisse aviser d’écrire, est un dosage monstrueux de neige, de phosphore et de cantharides, calculé pour corroder les entrailles d’un adolescent, vingt-quatre heures, au moins, après l’absorption, — la lâcheté de son cœur étant égale à la timidité de sa pensée. L’objet de ce livre est, en effet, la glorification de l’inceste, non par vulgaire manie de sophistiquer, mais pour cette primordiale, souveraine et péremptoire raison que le Seigneur Dieu l’a défendu. Car il ne peut s’empêcher de croire en Dieu et sa vocation manifeste est de jouer les « Anciens Serpents ». Seulement, il se dérobe au moment de conclure et finit par un équivoque triomphe de la vertu,