Page:Bloy - Le Désespéré.djvu/320

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sienne, qui le reçoit avec honneur, ce dont il crève de jubilation. Quand il est invité chez Rothschild, le tringlot en informe, quinze jours, la terre entière. C’est à cette école, sans aucun doute, qu’il a puisé la science des affaires. On l’a vu, à Étretat, vendant des terrains à des confrères qu’il savait gênés, pour les racheter ensuite, à vil prix.

Sa vanité, d’ailleurs, est à son image. Son hôtel de l’avenue de Villiers est d’une esthétique mobilière de dentiste suédois ou de concierge d’hippodrome. Que penser, par exemple, de portières de soie bleu-ciel, rehaussées de broderies d’or orientales, d’un divan de même style, d’un traîneau hollandais en bois sculpté, faisant l’office de chaise longue et capitonné de bleu clair, enfin, d’une immense peau d’ours blanc sur des tapis de Caramanie, probablement achetés au Louvre ? — C’est l’appartement d’un souteneur Caraïbe, disait un observateur exact. On aime à croire que c’est en ce lieu qu’il a écrit cette fameuse autobiographie d’un cynisme si inconscient — que Falstaff n’aurait pas osé signer, — où il s’offre en exemple à tous les maquereaux inexpérimentés qui pourraient avoir besoin de lisières.

Dulaurier, apparemment consolé de la poignée de main de Marchenoir, s’était approché de ces trois glorieux. Cela faisait en tout quatre glorieux, dont trois « jeunes maîtres », car Sylvain commence à se décatir. La sympathie de cette flûte devait naturellement aller à ces tambours.

Il est vrai que Dulaurier a, en commun avec Gilles de Vaudoré, l’inestimable faveur de tous les ghettos et de toutes les judengasses. Cet enfant de pion, dont la principale affaire en ce monde est d’avoir « une