Page:Bloy - Le Désespéré.djvu/351

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malgré tout, fini par la désirer, cette lecture, comme un exutoire. L’énormité des sottises ou des infamies qu’il entendait, depuis une heure, appelait une éruption.

Il se leva donc, aussitôt que Beauvivier lui eût donné le paquet d’épreuves, et il se fit un profond silence, la curiosité malveillante des auditeurs étant à son comble.

La Sédition de l’Excrément…, articula lentement le lanceur de foudre.

À cet énoncé, le pion Mérovée, en train de tamponner, avec son mouchoir, l’impure viscosité de ses yeux malades, fit un haut-le-corps.

— Le titre promet, fit-il. Monsieur Marchenoir n’a pas changé. Il tient toujours pour l’éloquence fécale.

— Messieurs, je vous en prie, intervint aussitôt Beauvivier, pas de commentaires !

Marchenoir, nullement déconcerté, lut alors, sans interruption, les trois cents lignes de son article. Il avait une espèce de voix de buccin, assez semblable à son style monstrueusement oratoire et calculé, semblait-il, pour la vocifération. Il lisait mal, comme il convient à tout prophète. Houleux et tumultuaire, ce vaticinateur déchaîné était plein de sanglots, de catafalques et de huées. Il faisait rouler sur les têtes, des quadriges de Mardi-Gras et des tombereaux de tonnerres. Il avait l’attendrissement sarcastique et l’engueulement solennel. Le mot abject, dont l’usage lui fut reproché si souvent, il avait une manière de le clamer, comme s’il eût été, à lui seul, une multitude, et ce mot devenait sublime, autant que l’imprécation désespérée de tout un peuple.

Il arriva ce que Marchenoir avait vu d’autres fois