Page:Bloy - Le Désespéré.djvu/360

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geusement à son livre sur le Symbolisme. Il se représenta que c’était la dernière ressource qui lui restait, et calcula qu’avec l’argent du bon général des Chartreux, il irait quelques mois encore, et pourrait, sans doute, le terminer. Alors, il arriverait ce que Dieu voudrait, mais, du moins, cette œuvre, dont il se sentait la vocation et qui criait en lui pour être enfantée, se trouverait accomplie.

Aucune porte, d’ailleurs, ne paraissait devoir s’entrouvrir. Son premier article au Basile avait été le dernier. Il avait paru, effectivement, le surlendemain du fameux dîner, mais tellement défiguré par des atténuations et des retranchements sans nombre, qu’il ne le reconnaissait plus, et que le premier chroniqueur venu l’aurait pu signer. Il s’y attendait un peu et n’en eut point de colère. Il déplora seulement que son nom même n’eût pas été raturé comme ses épithètes, et, il ressentit, de cette lâche sottise, une amertume poignante qui le paralysa, intellectuellement, tout un jour. Puis, ce fut fini.

Du côté des catholiques, il avait éprouvé, depuis longtemps, de telles aversions, qu’il ne fallait pas même y songer. L’hostilité cafarde de ce groupe était, peut-être, encore plus enragée que la haine déclarée des mécréants. Il l’avait bien vu pour sa Vie de sainte Radegonde, livre exclusivement religieux, s’il y en eut jamais, dont les catholiques eussent dû faire le succès, et qu’ils avaient éteint, du premier coup, sous un implacable silence. Pour ces nyctalopes, la pourpre vive du talent de Marchenoir était un scandale d’optique, pouvant mettre en danger la santé de leurs méchants yeux, et qu’ils se firent un devoir d’étouffer comme une tentation du Diable. Le