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Page:Bloy - Le Désespéré.djvu/429

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Marchenoir, un peu détendu par l’approche visible de Celle qui allait décidément l’élargir, put enfin articuler quelques mots. Le premier usage qu’il fit de sa voix revenue fut de commander positivement à la créature imbécile qui tricotait en le regardant mourir, d’aller lui chercher ce récalcitrant ecclésiastique qui s’obstinait à ne pas venir.

— Si vous n’obéissez pas, fit-il, je le dirai à Leverdier qui vous le fera payer cher.

Elle avait donc obéi, mais en vain. Le bedeau de la paroisse lui répondit avec majesté que M. le vicaire de service, seul présent, irait, probablement, voir le mourant quand il aurait fini les confessions qui l’occupaient en cet instant, mais qu’il ne fallait pas songer à le déranger. L’ambassadrice ne poussa pas plus avant et revint avec cette réponse.

Marchenoir jeta un regard de désolation infinie sur l’image de son Christ et deux larmes, — les dernières, — sortirent de ses yeux et roulèrent avec lenteur sur ses joues déjà froides, comme si elles eussent craint de s’y glacer.

Que se passa-t-il dans cette âme abandonnée ? Entendit-elle, comme il est raconté de tant d’autres, ces Voix cruelles de l’agonie, qui parlent aux mourants du mal qu’ils ont fait et du bien qu’ils auraient pu faire ? Dut-elle subir le spectacle, illustré par les vieilles estampes, du combat des mauvais et des bons esprits acharnés à sa déplorable conquête ? Les morts, qui l’avaient précédée dans ce passage, lui apparurent-ils plus sensiblement que dans les rêves de sa forte vie, pour la désoler de leurs annonces d’une sentence effroyablement incertaine ? Ou bien, de paniques images, lancées, autrefois, par le