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Page:Bloy - Le Désespéré.djvu/428

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Le malheureux, dont les dents noyées d’écume étaient serrées, à faire éclater l’émail, par le cabestan de la contracture, faisait des efforts désespérés pour parler. Ses lèvres retroussées et violettes essayaient en vain de configurer les deux syllabes qu’il aurait voulu faire entendre. Comprenant que sa portière avait été infidèle, il désirait, — d’un désir suprême, — que le docteur se chargeât lui-même d’envoyer un prêtre. Dans son impuissance, il montra le crucifix, désigna une feuille de papier, fit à moitié le geste d’écrire. Tout fut inutile.

Il fallut boire cette dernière amertume qu’il n’aurait jamais prévue. Lentement, il sombra dans le plus bas gouffre des douleurs. Tous les vieux supplices de sa vie résurgèrent…

— Mourir ainsi, criait-il au fond de son âme, moi chrétien ! Est-il possible, après tant de maux, que je sois privé de cette consolation ?

Il ne pouvait, il ne voulait pas le croire et il attendait, quand même, un prêtre, se disant qu’à défaut de message humain, la pitié du ciel en aurait, sans doute, suscité quelque autre… Un prêtre quelconque pour l’absoudre et le visage aimé de son Leverdier pour le fortifier !

À huit heures, la vieille femme mit devant ses yeux une dépêche annonçant l’arrivée de son ami dans quelques heures.

— Il arrivera trop tard ! pensa-t-il. Mon Dieu ! exigerez-vous cela encore de ma pauvre âme ?… Les heures sonnèrent, — toutes les heures de cette journée de trépassement… Ni prêtre, ni ami, personne ne venait.