Page:Bloy - Le Désespéré.djvu/87

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exigences, que Dieu seul, sans doute, eût été capable de satisfaire.

Précisément, ce mot d’exigence le faisait bondir. Lui que la mort avait tant déchiré, il se raidissait, en des transports de rage, contre la rhétorique de résignation, qui nomme repos ou sommeil, la liquéfaction des yeux et le rongement des mains de l’être aimé, et le grouillement d’helminthes de sa bouche, et tous les viols inexprimables de la matière sur cette argile si vainement spiritualisée ! Il trouvait que l’exigence n’était vraiment pas du côté d’un homme à qui on prenait sa femme ou son enfant, pour en faire, il ne savait quoi, et qu’on priait d’attendre jusqu’à la consommation des siècles !

Si ce n’était pas là une dérision à faire crouler les étoiles, c’était terriblement demander en échange de dons si précaires ! Même en sachant tout, ce serait intolérable, et la vérité, c’est qu’on ne sait rien, absolument rien, sinon ce que le christianisme a voulu nous dire.

Mais quoi ! c’est un atome d’espérance pour contrepeser un mont de terreurs ! La religion seule donne la certitude de l’immortalité, mais c’est au prix de l’enfer possible, de la défiguration sans retour, du monstre éternel !

Cette pauvre créature qu’il pleure, le misérable, et qu’il appelle en de désolées clameurs du fond de ses nuits, — qui fut son paradis terrestre, son arbre de vie, son rafraîchissement, sa lumière et sa paix dans ses combats, — qu’il n’aille pas s’imaginer, au moins, qu’il lui suffise de l’avoir vu mourir et d’avoir livré le déplorable corps, aux dévorants hi-